Makha Thiam, plus connu sous le nom de Dr Chaay est le fondateur de la marque de thé « Docteur chaay ». Actuellement, propriétaire d’un salon de thé sis à Castor, il évolue dans la fabrication de thé depuis 2013. Son histoire avec l’école n’a pas trop duré, car il a quitté les bancs dès la classe de CM2. Il a suivi pas mal de formations : en l’électricité, en froid, en maintenance, en informatique, en Anglais. Mais il n’a terminé aucune de ces formations, faute de moyens. Neuf années dans l’entrepreneuriat, le jeune docteur du thé pense ceci : « On n’a pas forcément besoin de grandes études pour entreprendre ; c’est ouvert à tout le monde et j’en suis l’illustration parfaite ».
Pouvez-vous nous parler de votre parcours?
Mes débuts n’ont pas été faciles. J’ai tenu à prendre mon indépendance financière très tôt. En dehors de mes formations qui n’ont pas abouti, j’ai fait pas mal d’autres métiers, par exemple, la couture et la menuiserie. Je n’ai jamais chômé. Une de mes devises c’est « kep kou chômé daf la nex ». J’ai été vendeur de sachets dans les marchés. J’ai eu aussi à gérer cinq Cybers, de 2005 à 2010, car c’était très prisé à cette époque. Mon salaire tournait autour de 40 000 francs CFA. Etant un homme de principe et ayant beaucoup de compassion pour mes parents, j’utilisais cet argent pour participer à la dépense quotidienne.
Je voyais ma mère souffrir, je voulais donc coûte que coûte réussir pour pouvoir la sortir de la misère. Elle a beaucoup fait pour nous. J’ai aussi pris mon père comme modèle et référence, car il est brave. Il n’a jamais baissé les bras. Il a eu le Bac mais ne parvenait pas à trouver de travail. Il s’est alors transformé en tôlier pendant un moment, avec l’aide d’un oncle. Et c’est après qu’il a décroché un boulot en Ville. Je suis très fier de mes parents et je sais que c’est grâce à leurs prières que j’en suis là.
Alors venons-en maintenant au Projet de la Vente de Thé « Chaay » qu’est-ce qui vous a inspiré ?
Bon ! Mon mariage a été l’élément déclencheur pour entamer mon projet en tant que vendeur de Thé, parce que d’énormes charges pesaient sur moi. Je ne peux pas parler de cette période de ma vie sans mentionner ma première femme. Elle m’a beaucoup soutenu. C’était le coup de foudre entre elle et moi. Je l’ai connue quand je travaillais comme gérant de cyber. Elle passait plus souvent là-bas et lorsqu’elle achetait 1 heure de connexion, je lui en mettais 5 heures pour raffermir les liens (rire).
Je lui ai déclaré ma flamme et nous avons commencé à sortir ensemble. Après un moment de relation, ses parents m’ont appelé et je leur ai fait savoir que mes intentions étaient nobles et que je voulais l’épouser. Mais, vu que la fille était en classe de 3ème, ses parents nous ont demandé de rompre pour la laisser se concentrer sur ses études. Cependant, cette rupture n’a duré qu’un mois et fut très difficile pour nous deux, parce qu’on s’aimait vraiment. C’est ensuite que ses parents m’ont appelé pour la prendre en mariage, mais j’étais jeune et je n’avais pas de travail stable à cette époque. Un mariage engageait beaucoup de dépenses ; je n’avais que 50 000 francs CFA, et c’était de l’argent qu’on me devait. Mais, malgré mes maigres moyens, ma famille m’a soutenu. Chacun ayant donné ce qu’il avait, je me suis retrouvé avec une somme de 500 000 francs CFA.
Après le mariage, les charges ont augmenté, avec ma femme tombée enceinte. C’est là que j’ai compris qu’il me fallait vraiment me surpasser. Alors, un ami et moi avions l’idée de vendre du Thé parce que je le faisais très bien et à chaque fois les gens appréciaient. Je me suis alors dit, pourquoi ne pas en faire une source de revenu. J’en ai parlé à ma mère, je lui ai dit que je voulais arrêter le travail pour vendre du thé. Elle n’était pas très emballée par cette idée, mais moi, j’y croyais et je savais qu’un jour j’allais réussir dans ça. Je suis allé voir mon oncle et je lui en ai parlé. Il m’a prêté 10 000 francs que j’avais ajoutés aux 2 500 francs CFA que j’avais sur moi. Mon ami et moi avions besoin tout juste de 25 000 francs CFA pour démarrer. On a donc décidé de cotiser chacun 12 500 francs CFA. C’est ainsi que les choses avaient démarré. Hélas, mon ami avait abandonné en plein chemin.
Je n’avais aucune honte à vendre du thé car, j’avais un objectif bien fixé. Ma maman qui, au début, n’était pas trop emballée, avait finalement compris et c’est ellemême qui se levait à 5 heures du matin pour m’allumer le feu. Je vendais matin et soir ; j’avais créé un Thé avec mes ingrédients et je l’ai dénommé « Thiaw Sa Khiir 4G+ ». Je le vendais le matin et les gens l’appréciaient. Quand je revenais, ma femme avait déjà fini de préparer le Thé que je devais vendre, l’après-midi.
Ma première femme est une des clés de ma réussite et je ne cesserai jamais de la remercier pour ça. Rien n’a été facile pour nous deux. Je n’avais ni repos, ni fête et je travaillais même les Dimanches. Ma deuxième femme aussi m’encourage beaucoup. J’avais 16 à 18 Litres dans les thermos que je tenais en main tous les jours et je marchais pour écouler mon Thé. Ce n’était pas du tout facile, et c’est avec beaucoup d’abnégation que je m’en suis sorti. C’est plus tard que j’ai commencé à offrir mes services dans des cérémonies et événements, grâce à des recommandations.
Pouvez-vous nous parler de vos variétés de Thé ?
Il existe deux variétés : le Chaay Naturel et le « thiaw sa khir 4G+ ». Je l’ai appelé Thiaaw Sa Xiir 4G+ pour valoriser ma marque et être original. Je vais néanmoins taire les ingrédients- c’est mon secret- ceux qui ont déjà goûté le thé en connaissent les vertus. J’invite ceux qui ne l’ont pas encore découvert à passer commande. Ils ne le regretteront pas.
Pourquoi le nom Dr Chaay ?
Bon, Chaay signifie Thé, comme beaucoup doivent s’en douter. Au début, je l’appelais « Machallah Chaay » mais après, avec le nom de Dieu « ALLAH » mentionné sur ma tenue de travail, je ne pouvais rentrer avec dans les toilettes ; ma religion me l’interdit. C’est ainsi que m’est venue l’idée de changer le nom. J’avais souvent un retour favorable de mes clients. Ceux qui souffrent de ballonnement, de la fatigue constante, de la colopathie, de l’arthrose, du rhume, de la grippe ou de l’asthme me disaient souvent, avoir remarqué une amélioration de leur santé après consommation de mon thé. Ils aimaient bien m’appeler « docteur » ; alors naturellement le nom Docteur Chaay a pris place.
J’ai eu l’inspiration de m’habiller en docteur, vu que mon thé a des vertus thérapeutiques. C’est récemment qu’un pharmacien m’a dit que mon thé semble être un antioxydant et anti cholestérol. La blouse est faite pour me faire démarquer et sortir du lot ; innover en quelque sorte. C’est aussi un moyen de communication. Comme il y’a des gens qui commençaient à me copier, j’ai voulu me formaliser ; j’ai fait un logo qui reflétait mon travail, ensuite je suis allé à la SODAV pour protéger mon projet. Je me suis renseigné encore et j’ai pu avoir mon NINEA, registre de commerce et mes cartes Export- Import.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans votre entreprise ?
Comme dans toutes les entreprises, tout n’est pas rose. Parfois, il m’arrive de rencontrer des problèmes pour payer la location du salon de thé ou de contracter des dettes, comme j’en ai fait, pour avoir le nouveau congélateur que je viens d’acheter pour la conservation. En plus, le salon n’est pas encore rentable ; vous le savez, les sénégalais n’ont pas encore la culture des salons de thé. Pour quelque chose qui me revient à 200 000 francs CFA par mois sans l’électricité, l’eau et autres, ce n’est pas évident. Donc, je suis obligé de me rattraper dans la vente des bouteilles de thé pour combler certains manques. J’ai compris que ce salon est un investissement à long terme, et un jour je ferai du profit. La vente de thé est mon activité de base, mais j’évolue aussi dans la personnalisation des sachets de mariage depuis 2013 ; j’alterne les deux activités. Puis, au niveau du salon, nous vendons des amuse- bouches et des repas. On va dire que c’est une entreprise familiale.
Votre salon de thé est-il l’accomplissement d’un rêve longtemps chéri ?
Oui, on peut dire ça, car ce salon est le résultat de 8 ans d’économie et de galère. Je dis souvent : « Commencez petit, Rêvez grand ». C’est ce que j’ai fait. J’ai commencé en marchand ambulant de 2013 à 2017. Me voilà aujourd’hui propriétaire de mon propre salon. J’ai ouvert le Salon le 14 Novembre 2021 à partir de mon propre argent et d’une somme de 500 000 francs CFA que j’ai reçue de la première Dame, Marième Faye Sall. Je la remercie infiniment ; je l’avais rencontrée au baptême de son frère où je faisais un service. Je lui ai brièvement parlé de mon projet et elle a tenu à m’aider.
Il semble que vous évoluez aussi dans le social ?
J’évolue dans le social depuis longtemps. Je viens en aide à des femmes veuves ou divorcées, à travers des groupes que j’ai créés, pour que les gens puissent donner leur soutien à ceux qui sont dans le besoin. En cette période de Ramadan je distribue des « Ndogou » gratuitement, tous les jours, pour permettre à ceux qui n’ont pas les moyens, de couper leur jeûne sans difficulté, avec l’aide de mes connaissances. Durant la Covid- 19, j’ai distribué des denrées alimentaires à presque 60 familles.
Quels sont vos projets dans le futur ?
J’aimerais labéliser le Thé, l’industrialiser, l’importer, mais aussi créer une marque de thé « Dr Chaay ». Tout ceci nécessite des moyens. Je n’ai pas encore atteint mes objectifs ; il me reste du chemin à faire en tant que jeune entrepreneur et modèle de réussite.
Quels conseils pourrez-vous donner aux jeunes entrepreneurs ?
Qu’ils s’arment d’abord de patience, de valeurs et de foi, peu importe leur religion et, qu’ils respectent leurs parents. Moi, personnellement, mon secret de réussite, c’est en partie, la prière de mes parents. On leur doit respect, obéissance. Et, il faut surtout partager tout ce que l’on gagne avec eux. Il faut aussi accepter de passer par des difficultés ; cela vous permet de savoir la valeur de que vous détenez ; quand tout est facile, vous risquez de ne pas faire long feu. Il faut créer et innover ; ne pas copier ce que les autres font pour penser s’en sortir. Essayons des choses nouvelles et bâtissons quelque chose ; c’est cela le mérite, mais pas le plagiat. « Took fii Tekki fii », j’y crois et c’est bien possible, car j’en suis un exemple ; mais beaucoup de jeunes aiment la facilité. Ils veulent gagner de l’argent sans se fatiguer et ça, c’est de la paresse. Moi, je dis qu’il faut «Avoir une belle patience pour une très belle récompense ».